Cholangite biliaire primitive (CBP)

Cirrhose biliaire primitive

AASLDSNFGEAFEFEASLMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • La cholangite biliaire primitive (CBP ou cirrhose biliaire primitive) est une hépatopathie auto-immune causant une cholestase chronique. Elle atteint principalement les femmes après 40 ans
  • Les symptômes de la cholangite biliaire primitive sont peu spécifiques: souvent asymptomatique voire prurit, ictère, fatigue
  • Le bilan retrouve une cholestase (PAL > 1,5 N) et des anticorps anti-mitochondries très spécifiques, l’échographie abdominale est normale
  • La prise en charge de la cholangite biliaire primitive (CBP) est spécialisée par le gastro-entérologue. Le traitement de référence est l’acide ursodesoxycholique (AUDC) et pour le prurit la cholestyramine et la rifampicine
  • Des comorbidités sont systématiquement recherchées: sclérodermie, Gougerot, maladie cœliaque, hypothyroïdie, ostéoporose
  • Annuaire des centres de compétence de la cirrhose biliaire primitive

Chapitre lié: augmentation des GGT

Cholangite biliaire primitive (CBP ou cirrhose biliaire primitive)
Hépatopathie chronique auto-immune par inflammation des petites voies biliaires, à l’origine d’une cholestase. Elle atteint le plus souvent les femmes après 40 ans (90 % avec prévalence 1/1000) et évolue lentement.
Une hépatite auto-immune (HAI) est associée dans 10% des cas.
La gravité de la cirrhose biliaire primitive est liée au risque de cirrhose biliaire.

Abréviations

AAM
anticorps anti-mitochondries
AASLD
American Association for the Study of Liver Diseases
AFEF
Association Française pour l’Étude du Foie
AUDC
acide ursodésoxycholique
CBP
cholangite biliaire primitive (ex cirrhose biliaire primitive)
EASL
European Association for the Study of the Liver
PBH
ponction-biopsie hépatique
PNDS
protocole national de diagnostic et de soins
SNFGE
Société Nationale Française de Gastro-Entérologie
TH
transplantation hépatique

Diagnostic de cirrhose biliaire primitive (CBP) si au moins 2 critères EASL sont remplis:

  1. Cholestase avec PAL > 1,5 N
  2. Anticorps anti-mitochondries (AAM) ≥ 1/40 confirmés en immunoblot ou ELISA (90 %)
    et/ou anticorps anti-nucléaires de type cerclés (anti-gp210 ou anti-sp100)
  3. Lésions de cholangite inflammatoire destructrice granulomateuse ou lymphocytaire des canaux biliaires inter-lobulaires

On parle de syndrome de chevauchement (Overlap syndrome) si une hépatite auto-immune (HAI) est associée avec au moins 2 critères parmi:

  1. Cytolyse avec ALAT > 5N (> 6 mois)
  2. IgG > 20 g/L ou anticorps anti-muscles lisses ≥ 1/80
  3. Lésions d’hépatite d’interface lymphocytaire modérée à sévère

La ponction-biopsie hépatique (PBH) est alors nécessaire.

Signes et symptômes à rechercher en cas de suspicion de cholangite biliaire primitive (femme +40 ans avec cholestase ++).

Interrogatoire

  • Antécédents: hépatopathie, auto-immuns, polytraumatisme, réanimation, chirurgies
  • Antécédents familiaux: hépatopathie, auto-immuns
  • Voyages
  • Traitements, automédication, transfusions, anabolisants
  • Alcool, tabac, toxiques
  • Expositions: peintures, diesel, gaz industriels
  • Bilans hépatiques antérieurs
  • Symptômes
    • Asymptomatique (20-30 %)
    • Prurit (30-40 %)
    • Ictère
    • Inconfort abdominal ou de l’hypochondre droit
    • Fatigue (> 50 %)
      Non corrélée à la sévérité de la maladie.
    • Autres: douleurs osseuses, arthralgies, troubles mnésiques ou de concentration
    • Dépister une dénutrition
  • Qualité de vie
  • Rechercher des comorbidités:
    Raynaud, syndrome de Gougerot-Sjögren (sécheresses muqueuses), sclérodermie (CREST syndrome), hypothyroïdie, maladie cœliaque.

Examen clinique

  • Poids, taille, IMC
  • Pression artérielle, fréquence cardiaque
  • Palpation abdominale
  • Signes d’hypertension portale
    Ascite, hépatomégalie, circulation veineuse collatérale, encéphalopathie porto-systémique, varices œsophagiennes.
  • Signes d’insuffisance hépatocellulaire
    Angiomes stellaires (thorax supérieur), érythrose palmaire, ongles blancs, ictère conjonctival ou cutané, foetor hepaticus, inversion du cycle nycthéméral, astérixis, confusion, hypogonadisme.
  • Splénomégalie

Bilan de la suspicion de cholangite biliaire primitive

  • NFS
  • Bilan hépatique: ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine totale et conjuguée
  • TP
  • Sérologies VHB et VHC
  • Électrophorèse des protéines sériques
  • Glycémie à jeun
  • Bilan lipidique
  • Échographie abdominale (normale)
  • Si sérologies virales négatives et échographie normale:
    • Anticorps anti-mitochondries (AAM) > 1/40 (90%)
    • Si AAM négatifs: anticorps anti-nucléaires spécifiques: anti-sp100 et anti-gp210 (30%, EASL 2017)

Si les anticorps sont négatifs et que l’accès au spécialiste est très long, une IRM des voies biliaires par un radiologue spécialisé est possible.

La ponction-biopsie hépatique (PBH) est le plus souvent dispensable (sauf anticorps anti-mitochondries absents, ALAT > 5N, IgG > 20 g/L ou comorbidité hépatique suspectée).

Bilan complémentaire après diagnostic

Une fois le diagnostic de cholangite biliaire primitive posé, des comorbidités doivent être recherchées:

La prise en charge de la cholangite biliaire primitive est spécialisée par le gastro-entérologue: annuaire des centres de compétence de la filière des maladies rares Filfoie.

Guide EASL d’information du patient et association de patients: albi France.

Pour en savoir plus: prise en charge de la cirrhose biliaire primitive

Sauf syndrome de chevauchement, le traitement de première intention de la cirrhose biliaire primitive (CBP) est l’acide ursodésoxycholique (AUDC) 13-15 mg/kg/j (min 10 - max 20).

La prise en charge par acide ursodésoxycholique est poursuivie au long cours quel que soit le stade de la maladie. Une titration initiale est nécessaire. Réponse biologique de 25 à 50 %.

Les -45 ans, les hommes et les sujets symptomatiques ou stades avancés répondent moins bien au traitement. La bilirubinémie est un marqueur de sévérité.

Effets indésirables rares (< 5%): diarrhées, épigastralgies.

Autres traitements possibles:

  • De la CBP: acide obéticholique (AOC, contre-indiqué si antécédent de décompensation cirrhotique, décommandé par Prescrire), bézafibrate (BZF)
  • Du prurit: cholestyramine (Questran® 4-16 g/j) > rifampicine (150-300 mg/j) > naltrexone (25-50 mg/j), nalméfène > sertraline (50 mg/j). Émollients, TCC.
  • Si cholestase persistante: supplémentation calcium + vitamine D (1g/800 UI/j)
  • De l’ostéoporose: supplémentation vitamino-calcique, traiter quand T-score fémoral < -1,5
  • Surveillance des vitamines liposolubles (A, D, E, K)

La transplantation hépatique (TH) est envisagée si: bilirubinémie > 100 µmol/L, cirrhose décompensée.

La surveillance de la cholangite biliaire primitive est spécialisée:

  • Clinique tous les 6 mois
    3 mois si forme sévère ou annuelle si forme minime.
  • Tous les 6 mois: examen clinique, bilirubine, ASAT, ALAT, GGT, PAL
  • Bilan annuel: NFS, albumine, TP, IgM, IgG, vitamine D, bilan lipidique, TSH, élastométrie hépatique
  • Tous les 2-4 ans: ostéodensitométrie

graph TB
  suspicion["Suspicion de cholangite
biliaire primitive (CBP)


Cholestase chronique (PAL et/ou GGT),
femme après 40 ans ++"] --> sérologie("Bilan hépatique complet
et sérologies:
AgHBs, anti-VHC") -- Négatives --> clinique("Clinique

- Antécédents personnels
et familiaux
- Traitements, toxiques
- Bilans antérieurs
- Symptômes: fatigue,
prurit, ictère, autres
- Comorbidités: hypothyroïdie,
Sjögren, sclérodermie ...
- Examen abdominal") --> bilan("Bilan

- Électrophorèse des protéines
- Glycémie, bilan lipidique
- Échographie abdominale") -- Écho normale --> anticorps("Anticorps anti-mitochondries") -- "> 1/40" --> référence("Avis du centre
de compétence") sérologie -- Positive --> hépatite(Voir hépatite) bilan -- Écho anormale --> autre(Autre diagnostic) anticorps -- Négatifs --> nucléaires("Anticorps antinucléaires
anti-sp100 et anti-gp210") --> référence style suspicion stroke:#4150f5, stroke-width:1px
Figure. Prise en charge de la cholangite biliaire primitive par le médecin généraliste. Dr JB Fron d'après AASLD, EASD et SNFGE/AFEF.