Cholangite sclérosante primitive (CSP)

PNDSEASLSNFGEAFEFMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • La cholangite sclérosante primitive (CSP) est une maladie cholestatique rare survenant chez l’homme jeune et fréquemment associée à une MICI (rectocolite hémorragique surtout)
  • Bilan initial d’une suspicion de CSP: NFS, bilan hépatique, TP, Facteur V, sérologie VIH et échographie abdominale
  • Le diagnostic de CSP est radiologique avec des anomalies typiques des voies biliaires en cholangio-IRM, en l’absence de cause de cholangite sclérosante secondaire
  • La prise en charge de la cholangite sclérosante primitive est spécialisée par l’hépatologue du centre de compétence (annuaire des centres de compétence)
  • Le traitement comprend l’acide acide ursodésoxycholique (débattu), l’hépatoprotection (arrêt tabac, alcool, surpoids) et la surveillance des complications (prurit, ictère, cirrhose, cholangiocarcinome)

Cholangite sclérosante primitive (CSP)
Maladie cholestatique chronique rare et complexe atteignant l’adulte (homme jeune ++) et l’enfant et associée dans 2/3 des cas à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI, RCH surtout). Elle peut être associée à une hépatite auto-immune (dit syndrome de chevauchement).
Elle est caractérisée par une atteinte inflammatoire et fibrosante des voies biliaires intra et/ou extra-hépatiques (probablement dysimmunitaire). L’évolution est très variable mais potentiellement grave.
La gravité de la cholangite sclérosante primitive est liée au risque élevé de cirrhose et de cholangiocarcinome (CCK, 1 %/an et possible au diagnostic) dont le diagnostic précoce est difficile. Enfin, la MICI fréquemment associée ajoute un risque élevé de cancer du côlon.
Les critères de gravité de la CSP sont: cliniques (cirrhose), biologiques (thrombopénie, PAL > 1,3, hyperbilirubinémie, hypoalbuminémie, TP bas), radiologiques (dysmorphie, HTP, élastométrie > 10 kPa). Survie de 18 voire 21 ans après le diagnostic dans les séries récentes (voir Amsterdam-Oxford PSC Score).

Abréviations

AUDC
acide ursodésoxycholique
CCK
cholangiocarcinome
CSP
cholangite sclérosante primitive
EASL
European Association for the Study of the Liver
HTP
hypertension portale
MICI
maladie inflammatoire chronique de l’intestin
PAL
phosphatases alcalines
PBH
ponction-biopsie hépatique
PNDS
protocole national de diagnostic et de soins
RCH
rectocolite hémorragique
TH
transplantation hépatique

« le diagnostic de CSP doit être évoqué devant toute anomalie chronique des tests hépatiques d’étiologie indéterminée après le bilan habituel ». – PNDS 2022

Interrogatoire

Les signes et symptômes de la cholangite sclérosante primitive sont très variables.

  • Homme jeune ++
  • Antécédents: mucoviscidose, auto-immuns, hépatopathie, angiocholite, pancréatite, chirurgie ou endoscopie biliaire
  • Antécédents familiaux: hépatopathie, auto-immuns
  • Traitements, automédication
  • Alcool, tabac, toxiques (kétamine)
  • Bilans hépatiques antérieurs
  • Cholestase biologique: augmentation de la gamma-GT (> 3N) + PAL (> 1,5 N, absentes chez 10%) ± bilirubine
  • Cytolyse hépatique modérée souvent associée: ASAT et ALAT 2-3 N
    Rechercher une hépatite auto-immune si > 5N (et IgG > 20 g/L).
  • Symptômes
    • Asymptomatique
    • Fatigue
      Non corrélée à la sévérité initiale de la maladie.
    • Prurit
    • Ictère (maladie avancée)
    • Pesanteur ou douleurs de l’hypochondre droit
    • Symptômes de MICI: douleurs abdominales, diarrhée chronique
  • Qualité de vie
  • Rechercher des comorbidités:
    Raynaud, syndrome de Gougerot-Sjögren (sécheresses muqueuses), sclérodermie (CREST syndrome), hypothyroïdie, maladie cœliaque.

Examen clinique

« L’examen clinique est le plus souvent normal dans les formes débutantes. » – PNDS 2022

  • Poids, taille, IMC
  • Pression artérielle, fréquence cardiaque
  • Palpation abdominale
  • Signes d’hypertension portale
    Ascite, hépatomégalie, circulation veineuse collatérale, encéphalopathie porto-systémique, varices œsophagiennes.
  • Signes d’insuffisance hépatocellulaire
    Angiomes stellaires (thorax supérieur), érythrose palmaire, ongles blancs, ictère conjonctival ou cutané, foetor hepaticus, inversion du cycle nycthéméral, astérixis, confusion, hypogonadisme.
  • Splénomégalie
  • Examen général

Bilan de la suspicion de cholangite sclérosante primitive (CSP)

  • NFS
  • Bilan hépatique: ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine totale et conjuguée
  • TP, Facteur V
  • Sérologie VIH
  • Échographie abdominale

PNDS 2022

Adresser à l’hépato-gastroentérologue du centre de compétence avec le bilan initial pour affirmer le diagnostic de cholangite sclérosante primitive.

Bilan complémentaire après le diagnostic de CSP

Le bilan complémentaire après le diagnostic de cholangite sclérosante primitive par cholangio-IRM 3D comprend:

  • Élastométrie hépatique (ou élastométrie impulsionnelle, élastographie)
  • TSH
  • IgG4 sériques, anticorps anti-mitochondries
  • Sérologie cœliaque: IgA totales, IgA anti-transglutaminase
  • Vitamine D
  • Ostéodensitométrie
  • Coloscopie avec biopsies
    Si MICI absente, recherche de cholangite sclérosante secondaire: IgG, IgM, anticorps anti-nucléaires, anti-muscle lisse (SNFGE).
  • Si thrombopénie: EOGD
  • Si suspicion de cholangiocarcinome (CSP des gros canaux avec détérioration clinique ou sténose biliaire serrée): IRM biliaire avec injection et CA 19-9
  • Polype vésiculaire ≥ 8 mm: cholécystectomie
  • Si ALAT > 5N et/ou IgG > 1,5 N: rechercher une hépatite auto-immune

Cholangio-IRM 3D

La cholangio IRM 3D avec étude du pancréas est l’examen diagnostique de référence de la cholangite sclérosante primitive (Se 86%, Spe 94%). Elle doit être interprétée par un radiologue expérimenté et un avis d’un centre expert est nécessaire pour le diagnostic.

Dans 10% des cas, l’atteinte est sur les petites voies biliaires et la cholangio-IRM ne suffit pas au diagnostic.

L’échoendoscopie peut aider à préciser l’épaississement de la paroi des voies biliaires extra-hépatiques.

Ponction-biopsie hépatique (PBH)

La ponction-biopsie hépatique est le plus souvent dispensable sauf suspicion d’hépatite auto-immune associée (transaminases > 5 N et IgG > 20 g/L), cholangite des petits canaux (cholangio-IRM normale) ou de doute diagnostique.

Coloscopie

La coloscopie est systématique car 2/3 des patients présentent une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) associée.

La prise en charge de la cholangite sclérosante primitive est spécialisée par le gastro-entérologue: annuaire des centres de compétence de la filière des maladies rares Filfoie.

Mesures générales de prise en charge de la cholangite sclérosante primitive (CSP):

  • Déclarer l’ALD n°6
  • Hépatoprotection
    • Arrêt du tabac et de l’alcool
    • Correction d’un surpoids
    • Contrôle des médicaments hépatotoxiques
  • Acide ursodésoxycholique 15-20 mg/kg/j (AUDC)
    Intérêt débattu mais les effets indésirables sont rares. Dose initiale de 13-15 mg/kg/j en 1-2 prises/j.
  • Prurit: levée d’une sténose biliaire accessible, bézafibrate (400 mg/j), rifampicine 150-600 mg/j, photothérapie UVB
  • Fatigue
    • Dépistage hypothyroïdie, dépression, anémie, maladie auto-immune
    • Activité physique, éviter l’isolement social
  • Grossesse: elle n’est pas contre-indiquée en l’absence de cirrhose avec HTP, préparée avec les spécialistes
  • Association de patients: albi France
  • Participer à la recherche: cohorte ComPaRe
  • Si syndrome de chevauchement: corticothérapie

Autres traitements possibles: endoscopies biliaires, études (bézafibrate, acide nor-ursodésoxycholique).

Transplantation hépatique (TH)

La transplantation hépatique est le seul traitement efficace mais ses indications sont limitées:

  • Cirrhose décompensée
  • Insuffisance hépatique sévère (score de Child-Pugh B/C ou MELD ≥ 15)
  • Cholestase majeure avec ictère chronique: hyperbilirubinémie ≥ 80 µmol/L
  • Angiocholites à répétition

La survie est bonne (91% à 1 an et 85% à 5 ans) mais les récidives sont fréquentes (20-30 %).

Le suivi de la cholangite sclérosante primitive est spécialisé au centre de compétence (annuaire des centres de compétence), il est au moins annuel:

  • Symptômes: fatigue, prurit, ictère
  • Biologie: ASAT, ALAT, GGT, PAL, bilirubine totale et conjuguée, TP
  • Radiologie: cholangio-IRM annuelle
  • Élastométrie: annuelle (tous les 2 ans si peu évoluée)
  • Coloscopie: chromo-coloscopie annuelle si MICI, tous les 5 ans sans MICI
  • Ostéodensitométrie: tous les 2 à 4 ans et dosage de la vitamine D

La surveillance est intensifiée en cas de cirrhose.

graph TB
  suspicion["Suspicion de cholangite
sclérosante primitive


Homme jeune ++ avec
cholestase: PAL + GGT et/ou bilirubine ↑"] --> clinique("Clinique

- Antécédents personnels
et familiaux
- Traitements
- Toxiques
- Bilans antérieurs
- Symptômes
- Examen clinique") -- Bilan --> échographie("Échographie hépatique") -- Normale --> anticorps("Selon EASL 2022: anticorps
anti-mitochondries,
± anti-gp210 ou anti-sp100") -- Absents --> cholangioIRM(Cholangio-IRM) --> compétence("Hépatologue du
centre de compétence") échographie -- Autre diagnostic --> autre("Voies biliaires visibles,
tumeur") anticorps -- Présents --> CBP("Cholangite biliaire
primitive (CBP)") style suspicion stroke:#4150f5, stroke-width:1px
Figure. Prise en charge de la suspicion de cholangite sclérosante primitive (CSP) par le médecin généraliste. Dr JB Fron d'après PNDS et EASL 2022.