Corticothérapie et corticoïdes systémiques

Corticostéroïdes, glucocorticoïdes, anti-inflammatoires stéroïdiens

ESEESMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

Recommandations pour une corticothérapie chez l’adulte (≥ 18 ans):

  • Un traitement prolongé correspond à une corticothérapie supérieure à 3 ou 4 semaines
  • Bilan initial avant corticoïde: NFS, ionogramme, glycémie, ostéodensitométrie souvent indiquée
  • Le traitement prolongé par corticoïde nécessite une éducation sur: les mesures associées (activité physique, adaptations nutritionnelles, supplémentation vitamino-calcique), l’immunodépression (consulter en cas de fièvre, toux), précautions (consulter en cas de douleurs abdominales)
  • La prednisone est le glucocorticoïde de référence avec une prise unique matinale (voir Équivalence des corticoïdes)
  • La décroissance progressive des corticoïdes est nécessaire pour un traitement prolongé: paliers de 1 à 4 semaines selon l’étape (voir Décroissance des corticoïdes)
    • Un dosage du cortisol matinal est nécessaire à 5 mg de prednisone avant d’arrêter le traitement
    • Éduquer sur les situations de stress lorsque la dose est réduite à moins de 10 mg/j d’équivalent prednisone

Les biphosphonates ne sont pas encore détaillés.

Chapitres liés: corticoïdes inhalés, dermocorticoïdes, syndrome de Cushing.

Glucocorticoïdes
Substances naturelles (cortisol de la zone fasciculée de la glande surrénale) ou de synthèse ayant des propriétés anti-inflammatoires, antalgiques, antipyrétiques et immunosuppressives d’intensité variable.
Le traitement systémique par corticoïde est dit court lorsqu’il est inférieur à 3 ou 4 semaines et long au-delà.
Complications de la corticothérapie: métaboliques (prise de poids, hyperglycémie, fonte musculaire, graisses facio-tronculaires), cardiovasculaires (hypertension artérielle), insuffisance surrénale (1% des traitements chroniques), ostéoporose, ostéonécrose aseptique.
Syndrome de sevrage des corticoïdes
Symptômes ressentis lors de la diminution du traitement pour des doses de glucocorticoïdes supraphysiologiques.
Les symptômes ne sont pas dus à la maladie sous-jacente pour laquelle le traitement a été initialement prescrit et, par définition, ne sont pas dus à une insuffisance surrénale non traitée, puisque la dose quotidienne totale de glucocorticoïdes est toujours supraphysiologique.

Abréviations

ES
Endocrine Society
ESE
European Society of Endocrinology

Évoquer une insuffisance surrénale en cas de symptômes et de prise récente de corticoïdes: locaux forte dose ou prolongés (asthme, psoriasis), corticoïdes associés, traitement par un inhibiteur du cytochrome P450 3A4 (antiviraux, ISRS …), de doses élevées ou prolongées +1 an, d’infiltration intra-articulaire dans les 2 mois.


Considérer un syndrome de Cushing iatrogène comme insuffisant surrénalien.

Interrogatoire

  • Antécédents
    Cardiovasculaires, tuberculose.
  • Dépistage: frottis cervico-vaginal
  • Voyage en zone endémique d’anguillulose
  • Suivis spécialisés et rythme des consultations de la maladie responsable du traitement
  • Éducation sur la décroissance des corticoïdes
  • Rythme de décroissance et symptômes de la maladie et de sevrage
  • Signes et symptômes d’une corticothérapie forte dose
    • Peau fine, vergetures, acné, hirsutisme
    • Hypertension artérielle
    • Troubles de l’humeur, insomnie
    • Au maximum: syndrome Cushingoïde
  • Signes et symptômes d’insuffisance surrénale
    • Malaise, fatigue, nausées, myalgies et arthralgies
    • Amaigrissement
    • Symptômes sévères: hypotension artérielle, nausées ou vomissements, épuisement, fièvre, troubles de la conscience.
  • Syndrome de sevrage aux corticoïdes
    Souvent sous 15 mg/j de prednisone. Pas de test biologique.
    • Symptômes: malaise, fatigue, nausées, myalgies et arthralgies, troubles du sommeil, labilité de l’humeur.
    • Signes: signes Cushingoïdes

Examen clinique

  • Pression artérielle, fréquence cardiaque
  • Poids et variations, taille et variations
  • État cutané
    Vergetures pourpres, peau fine, hirsutisme.

Les corticoïdes par voie générale ne doivent pas être utilisés en cas de: angine, bronchiolite, dermatite atopique et eczéma de contact, diverticulite sigmoïdienne, érysipèle, grippe, herpès, otite moyenne aiguë, rhinite allergique, spondylarthrite ankylosante, urticaire, varicelle/zona.

Bilan avant corticothérapie au long cours

  • NFS
  • Ionogramme (répété sous 2 semaines)
  • Glycémie à jeun (répétée sous quelques jours)
  • Mise à jour du dépistage du frottis cervico-vaginal
  • ± Bilan lipidique, électrophorèse des protéines (gammaglobulines)

CEMI

Une dose > 10 mg/j d’éq. prednisone entraîne: éosinopénie, basopénie, lymphopénie, polynucléose neutrophile et possibles hypokaliémie, hyperglycémie.

Ostéodensitométrie

Indications à l’ostéodensitométrie (DXA): corticothérapie systémique ≥ 7,5 mg/j d’équivalent prednisone pendant ≥ 3 mois, antécédent de fracture de fragilité.

La dose physiologique de corticoïde équivaut à 5 mg de prednisone (20 mg d’hydrocortisone).

Les corticoïdes non fluorés (ex prednisone) sont utilisés en prise unique matinale. La prednisone a la meilleure biodisponibilité mais la prednisolone présente l’avantage d’une forme soluble pour les enfants et les sujets âgés.

Tableau. Équivalence des corticoïdes et leurs demi-vie. Dr JB Fron d’après ESE, ES 2024
Glucocorticoïde Équivalence (mg) Activité Demi-vie (h)
Hydrocortisone 20 1 8-12
Cortisone acétate 25 0.8 8-12
Prednisone 5 4 12-36
Prednisolone 5 4 12-36
Triamcinolone 4 5 12-36
Méthylprednisolone 4 5 12-36
Dexaméthasone (F) 0.5 30-60 36-72
Bétaméthasone (F) 4 25-40 36-72

L’activité du glucocorticoïde utilise l’hydrocortisone comme comparateur. F = fluoré

Mesures associées à un traitement corticoïde prolongé:

  • Activité physique quotidienne
  • Adaptations nutritionnelles (> 10 mg/j éq. prednisone)
    • Sel < 5 g/j
    • Réduire les sucres
    • Augmenter les légumes et les fruits (sauf raisin, banane)
    • Informer sur l’effet orexigène des corticoïdes
  • Prévention de l’ostéoporose cortisonique
    • Évaluer les apports calciques
    • Supplémentation en calcium et vitamine D à distance des repas.
      • Effervescent ou buvable
        1000 mg/880 UI (Cacit Vitamine D3 ou Eptavit), 500 mg/800 UI (Calcidose), 500 mg/400 UI (Calcidose, Calciforte).
      • Comprimé à sucer ou croquer
        1000 mg/800 UI (Calciprat vitamine D3, Fixical), 600 mg/400 UI (Natecal), 500 mg/1000 UI (Cacit Vitamine D3, Orocal Vitamine D3), 500 mg/440 UI (Cacit Vitamine D3), 500 mg/400 UI (Calciforte, Calciprat, Calcium Vitamine D3, Calperos D3, Densical, Fixical, Ideos, Orocal Vitamine D3), 500 mg/200 UI (Orocal Vitamine D3).
      • Comprimé à avaler
        Caltrate vitamine D3 (600 mg/400 UI).
  • Suivi des effets indésirables: hypertension, amyotrophie, état cutané et psychologique
  • Mise à jour du calendrier vaccinal
    • Vaccins de l’immunodéprimé
    • Si > 10 mg/j éq. prednisone: contre-indication aux vaccins vivants
  • Éducation thérapeutique
    • Consulter en cas de fièvre, toux, douleurs abdominales

Pour un traitement corticoïde court (inférieur à 3-4 semaines, quelle que soit la dose), aucune décroissance n’est nécessaire.

Facteurs de risque d’insuffisance corticotrope: dose, durée, voie d’administration et puissance du corticoïde et susceptibilité individuelle.

Pour la décroissance des glucocorticoïdes, remplacer les corticoïdes de longue durée (dexaméthasone, bétaméthasone) par des molécules de demi-vie brève (prednisone ou autre).

Un suivi endocrinien n’est pas nécessaire en l’absence de traitement corticoïde pour motif endocrinien.

Rythme de décroissance des corticoïdes

Lors de la décroissance, en cas de syndrome de sevrage aux corticoïdes sévère: remonter à la dernière dose tolérée puis ralentir la nouvelle décroissance.

Tableau. Suggestion du rythme pour la décroissance des corticoïdes après un traitement prolongé (plus de 3-4 semaines). Dr JB Fron d’après ESE, ES 2024
Équivalent prednisone (mg/j) Décroissance (mg) Palier
> 40 5-10 1 semaine
20-40 5 1 semaine
10-20 2.5 1-4 semaine(s)
5-10 1 1-4 semaine(s)
5 Si cortisolémie normale
ou absence de symptômes: 1 mg.
Alternative: hydrocortisone 20 mg
avec paliers de 5 mg
4 semaines

Bilan avant l’arrêt des corticoïdes

Lorsque la décroissance de la corticothérapie atteint les doses physiologiques (20 mg d’hydrocortisone soit 5 mg de prednisone): doser la cortisolémie à 8 heures (traitement interrompu 24 heures avant) voire poursuivre la décroissance sous surveillance clinique si le dosage n’est pas réalisable (avec éducation sur les situations de stress).

Prise en charge selon le résultat de la cortisolémie à 8 heures:

  • Normale (> 300 nmol/L | 10 µg/dL): arrêt du corticoïde
  • Insuffisante (150-300 nmol/L | 5-10 µg/dL): poursuivre la dose physiologique, répéter le dosage après quelques semaines ou mois
  • Basse (< 150 nmol/L | 5 µg/dL): idem et réessayer après quelques mois

Avis endocrinologique en l’absence de restauration de l’axe corticotrope à 1 an.

Ne pas utiliser: de test de la fonction surrénale tant que les doses sont supraphysiologiques (> 20 mg/j d’hydrocortisone), de test dynamique (test au Synacthène®) systématique, de fludrocortisone pour l’insuffisance surrénale cortico-induite.

Les situations de stress peuvent être: fièvre, infection nécessitant le repos ou des antibiotiques, douleurs, coloscopie, chirurgie (dont dentaire), traumatisme physique ou émotionnel.

Ces situations de stress peuvent engendrer une insuffisance surrénale sévère chez un patient en cours de décroissance avancée des corticoïdes (hydrocortisone < 40 mg/j) ou ayant récemment arrêté une corticothérapie prolongée sans dosage du cortisol matinal. une éducation thérapeutique est donc essentielle.

Prise en charge d’une situation de stress

Lorsque le patient est exposé à une situation de stress:

Hydrocortisone à dose physiologique doublée (soit 2 x 20 mg/j) ou équivalent (prednisone en 1-2 prise/j): 20 mg matin, 10 mg midi et 10 mg à 17h pendant 2-5 jours (durée de l’épisode).

Hospitaliser le patient en cas de symptômes sévères.

NB. Pas d’augmentation de la dose pour un traitement toujours > 40 mg/j équivalent d’hydrocortisone (10 mg/j de prednisone).

graph TB
  pathologie["Maladie contrôlée"] --> décroissance("- Réduction progressive
par paliers (voir Décroissance ...)
- < 40 mg/j: Éducation situations
de stress (doubler la dose)") --> seuil("Seuil équivalent à
5 mg de prednisone
ou 20 mg d'hydrocortisone") ==> bilan("Cortisolémie à 8h") -- "> 300 nmol/L
10 µg/dL" --> bon("Arrêt du
traitement") bilan -- Intermédiaire --> intermédiaire(Poursuivre le ttt) -- "qq semaines" --> bilan bilan -- "< 150 nmol/L
5 µg/dL" --> bas(Poursuivre le ttt) -- "qq mois" --> bilan seuil -- "Dosage impossible" --> clinique("Surveillance clinique,
éducation stress") style pathologie stroke:#4150f5, stroke-width:1px
Figure. Prise en charge de la décroissance des glucocorticoïdes par le médecin généraliste. Dr JB Fron d'après ESE, ES 2024.