Érysipèle et dermohypodermite bactérienne non nécrosante

Érésipèle

HASSPILFGPIPMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • L’érysipèle ou dermohypodermite bactérienne aiguë non nécrosante (DHBNN) est une infection cutanée principalement streptococcique (SGA et staphylococcique chez l’enfant) atteignant la plupart du temps les membres inférieurs
  • Le bilan biologique n’est pas systématique et dépend des comorbidités (diabète, insuffisance rénale …)
  • La prise en charge de l’érysipèle non compliqué est une antibiothérapie: amoxicilline 50 mg/kg/j en 3 prises pendant 7 jours (max 6 g/j)
  • Réévaluation clinique systématique de l’infection à 48-72 heures
  • Recherche et éradication de la porte d’entrée infectieuse: intertrigo, ulcère cutané, plaie, dermatose …
  • Prévention des récidives d’érysipèle: contention veineuse en cas d’insuffisance veineuse, de lymphœdème

Érysipèle (ou érésipèle)
Infection cutanée désormais appelée dermohypodermite bactérienne aiguë non nécrosante (DHBNN), essentiellement streptococcique (SGA) survenant majoritairement aux membres inférieurs (85%). C’est la première cause de grosse jambe rouge aiguë.
Mécanisme toxi-infectieux, faible densité bactérienne dans les lésions. Gravité initiale selon le terrain, la sévérité locale et la survenue d’un sepsis.
Chez l’enfant, les DHBNN sont dues au Staphylococcus aureus sensible à la méticilline (SASM) et au SGA.
Les complications sont exceptionnelles: abcès, sepsis sévère, glomérulonéphrite post-streptococcique, DHB nécrosante avec/sans fasciite nécrosante (DHBN-FN. Terrain +50 ans, diabète, hémopathie/cancer, insuffisance d’organe, toxicomanie).
Facteurs de risque d’érysipèle: facteurs locaux (lymphœdème, intertrigo, ulcère de jambe, plaie) et obésité.

NB. Alcoolisme et diabète « ne semblent pas être des facteurs de risque » d’érysipèle.

Abréviations

DHB
dermohypodermite bactérienne
DHBNN
dermohypodermite bactérienne non nécrosante
FN
fasciite nécrosante
GPIP
Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (de la Société Française de Pédiatrie)
SASM
Staphylococcus aureus sensible à la méticilline
SGA
streptocoque β-hémolytique du groupe A (Streptococcus pyogenes)
TVP
thrombose veineuse profonde

Autres causes de grosse jambe rouge aiguë:

  • Pied diabétique
    • Évolution souvent subaiguë du pied et tiers inférieur de jambe. L’inflammation cutanée apparaît moins limitée avec douleur modérée et fièvre parfois absente
    • Germes: staphylocoque doré, Pseudomonas aeruginosa
  • Autres dermohypodermites bactériennes aiguës
    Pasteurellose d’inoculation si notion de morsure de chien ou chat.
  • Dermohypodermite sur insuffisance veineuse
  • Eczéma
    • Prurit, placard érythémateux à bords émiettés
    • Eczéma de contact: ulcère chronique avec pansements et soins locaux itératifs
    • Eczéma de stase sur l’insuffisance veineuse chronique

Le diagnostic d’érysipèle est clinique.

Signes et symptômes d’érysipèle à rechercher à l’examen:

  • Antécédents: comorbidités dont diabète, immunosuppression
  • Traitements en cours
  • Début souvent brutal
  • Signes généraux: fièvre, frissons
  • Signes cutanés d’érésipèle:
    • Le plus souvent au membre inférieur (90%)
    • Placard inflammatoire (rougeur, chaleur, douleur) érythémateux bien circonscrit unilatéral
    • Parfois lésions bulleuses ou purpuriques
    • Entourer au feutre le placard érythémateux pour surveiller l’évolution
    • Rechercher la porte d’entrée (intertrigo, piqûre, plaie)
  • Signes inflammatoires régionaux
    Adénopathie satellite sensible (50%), lymphangite (25%).
  • Signes négatifs
    • Pas de nécrose (tâches cyaniques, froides, hypoesthésiques) qui signe une DHB nécrosante = fasciite nécrosante
    • Cicatrice chirurgicale
      Dermo-hypodermites sur cicatrice d’intervention.
    • DHB aiguë à autres germes spécifiques
    • Dermite de stase
    • Thrombose veineuse profonde et superficielle

Réévaluer cliniquement une suspicion d’érésipèle à 48-72 heures.

Évolution clinique: apyrexie sous 72 heures, puis disparition de l’érythème et enfin disparition de l’œdème (80% à J7).

Aucun examen complémentaire n’est indispensable pour le diagnostic d’érysipèle.

Bilan d’un érysipèle

  • NFS, CRP
  • Ionogramme sanguin
  • Créatininémie, DFG

Prélèvements bactériologiques

Dans les formes typiques et en l’absence de signe de comorbidité « aucun examen bactériologique n’est nécessaire ».

Échodoppler veineux

Pas de recherche systématique de thrombose veineuse par échodoppler.

Mesures de prévention des érysipèles:

  • Contention veineuse
  • Traitement précoce de toute porte d’entrée cutanée
    Intertrigo, ulcère, plaie.

Critères d’hospitalisation pour érysipèle

  • Fasciite nécrosante, appeler le SAMU
  • Doute diagnostique
  • Signes généraux marqués
  • Terrain fragile
    Personne âgée polypathologique, diabète, insuffisance cardiaque, alcool/toxico, immunodépression.
  • Contexte social
  • Complication locale
    Ulcère de jambe, décollement bulleux, nécrose, cyanose.
  • Traitement au long cours par anti-inflammatoires (AINS, corticoïdes)
  • Absence d’amélioration à 24-48 heures

Et chez l’enfant, facteurs supplémentaires: âge < 1 an, syndrome toxinique, post-opératoire (abdomen, périnée), extensif ou rapidement progressif, échec d’antibiothérapie orale, suspicion d’emboles septiques (arthrite …), difficultés d’administration.

Prise en charge ambulatoire de l’érysipèle

La prise en charge ambulatoire d’un érysipèle n’est possible que si le tableau est typique sans signe de gravité chez un patient sans antécédents (HAS/SPILF 2024):

Amoxicilline 50 mg/kg/j (max 6 g/j) en 3 prises pendant 7 jours

Enfant: amoxicilline/acide clavulanique 1 dose-poids x 3/j pendant 7 jours

Selon Prescrire®: pénicilline V (Oracilline®) 1-1,5 MUI x 4/j jusqu’à amélioration des signes locaux.

Antibiothérapies recommandées en cas d’allergie documentée à la pénicilline ou de morsure:

  • Clindamycine (Dalacine®) 600 mg x 3/j (x 4/j si poids > 100 kg) pendant 7 jours
  • ou pristinamycine (Pyostacine®) 1 g x 3/j pendant 7 jours
  • Érysipèle de l’enfant:
    • Après 6 ans: clindamycine 30 mg/kg/j (max 2,4 g/j) en 3 prises pendant 7 jours
    • Avant 6 ans: triméthoprime-sulfaméthoxazole 30 mg/kg/j (de SMX, max 1,6 g/j) en 3 prises pendant 7 jours
  • Morsure d’animal de l’adulte:
    • Amoxicilline/acide clavulanique 50 mg/kg/j en 3 prises pendant 7 jours (amoxicilline max 6 g/j et a. clavulanique max 375 mg/j)
    • Avis infectiologique en cas d’allergie à la pénicilline

HAS/SPILF/GPIP 2024

Mesures associées

Recommandations de prise en charge associées pour le traitement d’un érysipèle:

  • Surveillance clinique quotidienne des signes locaux et généraux
  • Éradication de la porte d’entrée
    Intertrigo, ulcère. Soins de peau à l’eau et au savon sauf plaie franchement surinfectée.
  • Anticoagulation préventive selon le risque
    Déambulation, âge, autres.
  • Antipyrexie: paracétamol
  • Vérification des vaccinations
  • Surélévation de la jambe pour diminuer œdème et douleurs
  • Pas de contre-indication au lever précoce et contention veineuse
  • Hospitaliser si persistance de fièvre à 72 heures, apparition de nouveaux signes locaux/généraux ou décompensation de maladie associée

NB. Aucun intérêt de traitement local antiseptique ou antibiotique sur lésions/porte d’entrée.
Aucune indication des corticoïdes (sauf traitement au long cours).

Contre-indication aux anti-inflammatoires AINS per os ou locaux. Ils pourraient favoriser les fasciites nécrosantes sauf traitement au long cours.

Érysipèles récidivants au moins 2 fois an et facteurs favorisants non contrôlables

Érysipèle récidivant
Survenue d’au moins 2 DHBNN par an. L’antibioprophylaxie est recommandée en cas de facteurs favorisants non contrôlables.

Une antibioprophylaxie (après concertation) au long cours est possible avec un effet suspensif:

  • Benzathine-pénicilline G IM 2,4 MUI 1 injection toutes les 2 à 4 semaines
  • ou pénicilline V (Oracilline®) per os 0,5 à 1 MUI x 2/j

En cas d’allergie à la pénicilline: azithromycine 250 mg x 1/j

graph TB
  diagnostic[Diagnostic clinique d'érysipèle]
    diagnostic --> hospitalisation("Indication à l'hospitalisation ?

- Fasciite nécrosante
- Doute diagnostique
- SG marqués
- Fragilité
- Contexte social
- Complication locale
- AINS, corticoïdes
- Échec à 24-48h") hospitalisation -- Oui --> hospit(Hospitalisation) hospitalisation -- Non --> antibiotique("- Amoxicilline 50 mg/kg en 3 prises
7 jours (max 6 g/j)
- Surveillance clinique
- Porte d'entrée
- Vaccinations
- Anticoagulation selon déambulation") antibiotique --> prevention("Prévention

- Contention veineuse
- Porte d'entrée
- ≥ 2 récidives/an:
pénicilline V ou BPG") antibiotique -- Allergie pénicilline --> allergie("- Clindamycine 600 mg x 3/j
x 4/j si poids > 100 kg
- ou pristinamycine 1 g x 3/j") diagnostic -- Diagnostic différentiel --> différentiel("- Pied diabétique
- DH bactérienne aiguë
- DH sur insuffisance veineuse
- Eczéma") style diagnostic stroke:#4150f5, stroke-width:1px
Figure. Conduite à tenir et prise en charge d'un érysipèle. Dr JB Fron d'après HAS/SPILF 2024.

BPG = Benzathine-pénicilline G; DH = dermohypodermite; SG = signes généraux.