Polyarthrite rhumatoïde
Résumé des recommandations pour le généraliste
- La polyarthrite rhumatoïde est le premier rhumatisme inflammatoire de l’adulte, donnant des arthrites évoluant par poussées
- Évoquer une polyarthrite devant toute arthrite, dérouillage de plus de 30 minutes, douleurs en pression des mains ou pieds (MCP/MTP)
- Une suspicion de polyarthrite rhumatoïde nécessite un diagnostic par le rhumatologue et un traitement rapide
- Prescrire le bilan biologique avec les radiographies pour adresser au rhumatologue dans les 6 semaines (voir Examens complémentaires)
- La prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde par un traitement spécifique relève exclusivement du rhumatologue
- Le méthotrexate doit être pris un jour fixe de la semaine avec prise de 10 mg d’acide folique 48 heures après
- Mesures associées au traitement: dépistage des cancers, contrôle de risque cardiovasculaire, rappels vaccinaux (dTP tous les 10 ans, pneumocoque)
- Polyarthrite rhumatoïde (PR)
- Maladie chronique de la membrane synoviale évoluant par poussées inflammatoires. Il s’agit du 1er rhumatisme inflammatoire de l’adulte (prévalence de 0,3 à 1%).
La destruction articulaire entraîne une altération de la qualité de vie, un handicap et une réduction de l’espérance de vie de 10 ans - Intérêt d’un diagnostic et d’un traitement précoce pour ralentir l’évolution de la maladie.
- Complications de la polyarthrite: déformations articulaires et handicap, douleurs et altération de la qualité de vie, augmentation du risque cardiovasculaire, insuffisance respiratoire restrictive, infections, lymphomes, fractures ostéoporotiques.
- Rémission de la polyarthrite rhumatoïde: lorsque le score DAS28 est < 2,6.
- Pré-polyarthrite rhumatoïde
- Personnes à risque de polyarthrite rhumatoïde (PR) du fait d’une familiale de PR ou de la présence d’auto-anticorps liés à la PR.
- Traitements conventionnels de la polyarthrite rhumatoïde
- Méthotrexate, léflunomide et sulfasalazine.
Diagnostic différentiel de la polyarthrite rhumatoïde
Autres diagnostics à évoquer devant des polyarthralgies:
- Connectivite
Lupus, Gougerot-Sjögren. - Spondylarthrite
- Arthrose digitale
Facteurs de mauvais pronostic de la polyarthrite rhumatoïde
Éléments en faveur d’une forme sévère:
- Persistance d’une activité modérée à forte sous traitement conventionnel selon un score composite (dont nombre élevé d’articulations gonflées)
- VS et CRP élevées
- Nombreuses articulations gonflées
- Présence de facteur rhumatoïde et/ou d’ACPA (surtout si taux élevés ≥ 3N)
- Érosions précoces
- Échec d’au moins 2 traitements conventionnels
– EULAR 2022
Abréviations
- dTP
- vaccin diphtérie-tétanos-poliomyélite
- EULAR
- European League Against Rhumatism
- IPD
- articulation interphalangienne distale
- PR
- polyarthrite rhumatoïde
- MCP
- articulation métacarpophalangienne
- MTP
- articulation métatarsophalangienne
- PR-PID
- Pneumopathie interstitielle diffuse associée à la polyarthrite rhumatoïde
- TSA
- troncs supra-aortiques
Arthrite atteignant > 1 articulation: avis rhumatologique sous 6 semaines (à compter de l’apparition des symptômes).
Évoquer une polyarthrite rhumatoïde devant toute arthrite clinique, raideur matinale > 30 minutes, douleurs à la pression transverse des mains (MCP) ou avant-pieds (MTP), évolution > 6 semaines, antécédent de PR chez un parent au 1er degré, difficultés à fermer le poing.
L’examen clinique a une place primordiale dans la détection et le traitement de l’arthrite.
Interrogatoire
- Antécédents familiaux de rhumatisme inflammatoire chronique
- Traitements en cours
- Tabagisme
- Suivi dentaire
- Voyage récent
- Expositions professionnelles
Silice (BTP, pierre, céramique, dentiste), agriculture (insecticides, fongicides, toluènes). - Signes généraux: fièvre, frissons
- Ancienneté des symptômes
- L’arthrite associe:
- Gonflement articulaire (synovite des doigts et des poignets +++)
- ET douleurs inflammatoires OU raideur matinale > 30 minutes.
- Ténosynovite (inflammation des gaines tendineuses) peut être associée
Examen clinique
- Poids, taille et IMC
- Diagnostic positif
- Arthrite clinique chronique: synovites, ténosynovites
- Douleurs à la fermeture du poing
- Douleur à la pression transverse des mains ou avant-pieds (MCP/MTP = squeeze-test)
- Atteinte symétrique
- Signes extra-articulaires
- Nodules rhumatoïdes
- Dyspnée
- Syndrome sec
- Diagnostic différentiel
- Connectivites
Phénomène de Raynaud, myalgie, perte de force, lésions cutanées, photosensibilité. - Spondyloarthrites et rhumatisme psoriasique
Atteinte des IPD, psoriasis, diarrhée glairo-sanglante, uvéite, rachialgie, pyalgie.
- Connectivites
Bilan d’une polyarthrite
- NFS, VS, CRP
- ASAT, ALAT
- Créatininémie, DFG selon CKD-EPI
- Bandelette urinaire (protéinurie, hématurie)
- Facteur rhumatoïde (FR)
- Anticorps anti-peptide citrulliné (ACPA)
- Anticorps antinucléaires (AAN)
- Sérologies hépatite B, hépatite C et VIH
- Ferritine (voir hémochromatose)
avec les radiographies suivantes:
- Mains et poignets de face
- Avants-pieds face et 3/4 en grandeur normale
- Thorax de face ou scanner thoracique faible dose
- Toute articulation symptomatique
Selon le contexte:
- Échographie doppler et mode B des poignets, mains et avant-pieds
- Sérologie de borréliose (Maladie de Lyme)
- Uricémie
- Ponction et culture de liquide synovial
Les autres examens relèvent du rhumatologue.
La décision du traitement dépend du rhumatologue, partagée avec le patient.
Mesures générales de prise en charge de la polyarthrite
- Anti-inflammatoires AINS
Si symptomatique, état rénal et cardio-vasculaire correct. En complément du traitement de fond. - Éducation thérapeutique
Gérer la douleur, handicap, observance, maintien de l’activité professionnelle. - Suivi bucco-dentaire rigoureux
- Correction des facteurs de risque cardiovasculaire
- Risque cardiovasculaire: SCORE2 (Android, iOS, web)
Multiplier le risque par 1,5 (ESC 2021). - Hypertension artérielle: privilégier IEC/ARA2 ou anticalcique
- Arrêt du tabac
- Activité physique régulière
- Correction d’un surpoids
- Régime méditerranéen
- Échodoppler des troncs supra-aortiques (TSA)
- Dépistage annuel de la maladie rénale chronique: créatininémie et rapport albuminurie/créatininurie (HAS 2023)
- Risque cardiovasculaire: SCORE2 (Android, iOS, web)
- Prophylaxies infectieuses
- Mise à jour du calendrier vaccinal
- dTP tous les 10 ans, pneumocoque
- Vaccination varicelle-zona post-exposition
- Éq. prednisone > 15-30 mg/j pendant > 2-4 semaines: prophylaxie de la pneumocystose (EULAR 2022)
- Mise à jour des dépistages des cancers
- Association de patients: AFPric, ANDAR
- Soins paramédicaux
- Proposer un soutien psychologique
- Accompagnement socioprofessionnel
- Rééducation fonctionnelle, kinésithérapie, exercices dynamiques
- Ergothérapie, balnéothérapie
- Pédicurie-podologie
- Diététique
- Déclarer l’ALD n°22
Critères: Polyarthrite inflammatoire (ou affections apparentées) d’évolution chronique justifiant un traitement de fond ou avec handicap lourd.
Un avis orthopédique est possible en cas de déformations majeures ou invalidantes.
NB. Hormis le régime méditerranéen voire une supplémentation en oméga-3 ≥ 2 g/j, aucun régime ou supplémentation n’a fait preuve de son efficacité.
Chapitre pour en savoir plus sur la prise en charge de la polyarthrite par les traitements de fond spécifiques.
Ceux-ci relèvent exclusivement du rhumatologue.
Objectif de la prise en charge: rémission clinique (absence de signes ou symptômes inflammatoires significatifs) ou plus faible activité possible.
Rémission: absence de signes et symptômes d’activité inflammatoire significative.
- Prévention des complications: cardiovasculaires, respiratoires, infectieuses, lymphomes et fractures ostéoporotiques.
- Éducation thérapeutique
Traitement de fond conventionnel de la polyarthrite rhumatoïde
Le traitement de la polyarthrite rhumatoïde est systématique, « en urgence » dès le diagnostic, même s’il ne remplit pas encore les critères de rhumatisme défini. Il est modifié en cas d’inefficacité à 3 mois (ou objectif thérapeutique non atteint à 6 mois).
Méthotrexate (MTX) en première intention, dose optimale (25 mg/semaine) à atteindre en 4-8 semaines.
Débuter à 10-15 mg en prise unique (ou scindée en 2 doses, étude SMART) par semaine par voie orale (Novatrex®, Imeth®, génériques).
Augmentation de 5 mg/1-4 semaines selon efficacité-tolérance.
- 10 mg/semaine d’acide folique systématique
- Corticothérapie initiale associée.
Voie sous-cutanée au-delà de 15 mg/semaine ou si efficacité insuffisante (Imeth injectable®, Metoject®, Nordimet®, génériques).
Décroissance de dose seulement après rémission persistante et prolongée.
Si traitement inaugural ou contre-indication au méthotrexate: léflunomide (Arava®, générique) 20 g/j ou sulfasalazine (Salazopyrine®) 3 g/j.
Biothérapies pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde
Les biothérapies sont utilisées en 2e intention.
En présence de facteurs de mauvais pronostic
En association avec le méthotrexate (≥ 10 mg/semaine), selon la tolérance, parmi:
- Anti-TNFα
- Sous-cutanés: adalimumab (Amgevita®, Amsparity®, Hukyndra®, Hulio®, Humira®, Hydrimoz®, Idacio®, Imraldi®, Libmyris®, Yuflyma®), certolizumab (Cimzia®), étanercept (Benepali®, Enbrel® ou Erelzi®, Nepexto®), golimumab (Simponi®)
- IV: infliximab (Remicade® ou Flixabi®, Inflextra®, Remsima®, Zessly®)
- Anti-IL6
- Sarilumab (Kevzara®), tocilizumab (Roactemra®, gén)
- Anti-CD20
Rituximab (pour cas spécifiques: Mabthera®, Truxima®). - Inhibiteurs JAK
Baricitinib (Olumiant), filgotinib (Jyseleca®), tofacitinib (Xeljanz®), upadacitinib (Rinvoq®). - Modulateur de costimulation lymphocytes T
Abatacept (Orencia®).
Relayer par un autre en cas d’inefficacité.
Décroissance quand rémission persistante ≥ 6 mois et arrêt des corticoïdes (ou dose quotidienne ≤ 5 mg/j).
En l’absence de facteurs de mauvais pronostic
Associations méthotrexate, sulfasalazine, hydroxychloroquine (Plaquenil®)
OU rotation léflunomide - sulfasalazine.
Corticothérapie orale
En attente de l’efficacité du traitement de fond ou lors de son remplacement.
Posologie initiale ex. 0,15 mg/kg. On parle de faible dose quand ≤ 7,5 mg/j d’équivalent prednisone.
Arrêt sous 3 mois avec décroissance progressive (maximum 6 mois), dose minimale suffisante.
Complications fréquentes: ostéoporose, surinfections.
Alternative: méthylprednisolone IV 80-120 mg.
Infiltrations de corticoïdes
Infiltrations ciblées des articulations douloureuses.
Suivi de la polyarthrite rhumatoïde
- Douleurs
- EVA, réveils nocturnes, durée de la raideur
- Nombre d’articulations douloureuses (NAD) et gonflées (NAG)
- Consommation d’antalgiques et AINS
- Biologique
VS, CRP, BU. - Radiographies
Mains et pieds à 6 mois et 1 an, puis ≥ 1/an pendant 3 à 5 ans. - Correction des facteurs de risque cardiovasculaire et calcul du SCORE2 (Android, iOS, web)
Pour en savoir plus: suivi par le rhumatologue
- Par le rhumatologue tous les 1 à 3 mois tant que la maladie est active
- Indice articulaire DAS28 (PDF)
- Évaluation annuelle du retentissement: échelle HAQ
graph TB suspicion["Suspicion de
polyarthrite rhumatoïde
—
- Arthrite
- Dérouillage matinal
- Douleur en pression MCP/MTP"] style suspicion stroke:#4150f5, stroke-width:1px suspicion --> bilan("Examens complémentaires
—
- NFS, VS, CRP
- ASAT, ALAT
- Créatininémie, DFG
- BU
- Facteur rhumatoïde (FR)
- Anticorps anti-peptide citrulliné (ACPA)
- Anticorps antinucléaires (AAN)
- Sérologie hépatites B et C
- Radiographies") bilan --> rhumato("Avis rhumatologique
sous 6 semaines") suspicion -- Diagnostic différentiel --> differentiel("- Spondyloarthrite
- Connectivite
- Arthrose digitale")
HAS - Vivre avec une polyarthrite rhumatoïde (PDF)
- Explication de la maladie
- Modalités évolutives possibles
- Progrès réalisés avec les traitements actuels
- Efficacité et tolérance des traitements
- Importance de l’observance et de la prise unique hebdomadaire de méthotrexate
- Arrêt du tabac, contrôle cardiovasculaire, régime méditerranéen, vaccins, cancers, ostéoporose
- Suivi clinico-bio-radiologique
- Associations de malades
- Prise en charge à 100% en ALD n°22
NB. Régimes sans gluten et lactose n’ont pas fait preuve d’efficacité.