Statines
Hypolipémiants
Résumé des recommandations pour le généraliste
- Comparaison de l’intensité des différentes statines pour la réduction du LDL (voir Intensité)
Pour une baisse du LDL cholestérol supérieure à 50%: statine de haute intensité atorvastatine 40 ou rosuvastatine 20 mg ou plus. - La cible de LDL dépend de la présence d’une maladie cardiovasculaire ou du SCORE2 (Android, iOS, web) en prévention primaire
- Statines et effets indésirables: 90% des myalgies sont attribuables à un effet nocebo; elles surviennent la première année (sauf statine de haute intensité). Ne pas prendre de pamplemousse
- L’arrêt d’une statine entraîne une surmortalité cardiovasculaire de 20%
- Préparer une grossesse: le plus souvent interrompre le traitement, voire demander une expertise au CRAT pour les cas sévères
- Le bilan lipidique n’a pas besoin d’être réalisé à jeun sauf syndrome métabolique, diabète ou hypertriglycéridémie (ESC 2021)
Aide au choix de la statine selon la réduction de LDL cholestérol visée.
Statine | < 30% | 30-49% | ≥ 50% |
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Atorvastatine | 10-20 | 40-80 | |
Fluvastatine | 20-40 | 40x2 ou LP 80 | |
Pitavastatine | 1 | 2-4 | |
Pravastatine | 10-20 | 40-80 |
|
Rosuvastatine | 5-10 | 20-40 | |
Simvastatine | 10 | 20-40 |
Contrôle du LDL 4-12 semaines après chaque changement de dose puis annuellement (ADA 2023).
Chez un diabétique +75 ans déjà traité par statine, il est raisonnable de poursuivre le traitement. Il pourrait être raisonnable de le faire s’il n’est pas traité (ADA 2023).
- Tolérance: rosuvastatine et pravastatine (moins d’interactions) sont les mieux tolérées. (mais rosu induit plus de diabète qu’atorvastatine, Yong-Joon 2023)
- Contre-indication à la prise de pamplemousse
- En cas de myopathie ou rhabdomyolyse: suspendre puis réintroduire à faible dose (fonctionne dans 70-90 % des cas).
- En cas d’intolérance avérée, recours au fénofibrate
Atorvastatine: possible en cas d’insuffisance rénale sévère (élimination hépatique). Contraception œstroprogestative: augmentation des concentrations en estrogènes.
Cibles non atteintes et risque cardiovasculaire élevé: ajouter l’ézétimibe (+ ator: Liptruzet®, Reselip® ; + rosu: Liporosa®, Suvreza®, Twicor®) voire les anti-PCSK9 sur avis cardiologique en cas de risque cardiovasculaire très élevé.
Doses en mg
« Le traitement par statine est associé à une réduction des complications cardiovasculaires proportionnelle à la baisse du LDL-cholestérol ». – ESH 2023
La réduction du LDL cholestérol a les mêmes bénéfices cardiovasculaires chez les 2 sexes (ESC 2021).
Statine en prévention secondaire ou comorbidités
La cible de LDL cholestérol dépend des antécédents cardiovasculaires figurant ci-dessous.
En l’absence de maladie cardiovasculaire, diabète, insuffisance rénale, hypercholestérolémie familiale ou grossesse, le risque est évalué avec le SCORE2 (Systematic COronary Risk Estimation, SCORE2-OP après 70 ans), qui estime le risque à 10 ans d’accident cardiovasculaire fatal ou non en tenant compte de la pression artérielle avant traitement anti-hypertenseur éventuel.
L’arrêt du tabac, une tension < 140 (à 130 mmHg si -70 ans et tolérée) et un LDL < 1 g/L est la cible de prévention à tous les âges.
- Très haut risque cardiovasculaire
-
-
Maladie cardiovasculaire
Syndrome coronarien (infarctus du myocarde, SCA), revascularisation artérielle, AVC/AIT, anévrisme aortique, AOMI ou artériopathie périphérique, imageries avec sténoses documentées. -
Diabète avec maladie cardiovasculaire
ou insuffisance rénale modérée avec DFGe < 45
ou insuffisance rénale modérée avec DFG 45-59 et RAC 30/300
ou protéinurie > 300 mg/g
ou ≥ 3 atteintes microvasculaires: RAC + rétinopathie + neuropathie -
Insuffisance rénale sévère (DFG
< 30)
ou insuffisance rénale modérée (DFG 30-59) avec RAC > 30 - Traitement recommandé pour SCORE2: ≥ 7,5% (-50 ans) | ≥ 10% (50-69) | ≥ 15% (+70)
-
Maladie cardiovasculaire
-
Obtenir une réduction du LDL ≥ 50% et une cible < 0,55 g/L quelque soit l’âge.
Statine + ézétimibe ± anti-PCSK9 (alirocumab Praluent® ou évolocumab Repatha®) ± cholestyramine.
- Haut risque cardiovasculaire
-
- CT > 3,1 g/L ou LDL > 1,9 g/L ou PA ≥ 180/110 mmHg
- Hypercholestérolémie familiale
- Diabète sans maladie cardiovasculaire et/ou complication ne remplissant pas les critères du risque modéré
- Maladie rénale chronique avec DFG ≥ 60 et RAC > 300
-
Insuffisance rénale modérée: DFG 30-44 avec RAC < 30
ou DGF 45-59 avec RAC 30-300 - Traitement à considérer pour SCORE2: < 2,5-4,9 % (-50 ans) | 5-9,9 % (50-69) | 7,5-14,9 % (peut être considéré chez le +70)
-
Obtenir une réduction du LDL ≥ 50% et une cible < 0,7 g/L.
Statine ± ézétimibe.
- Risque cardiovasculaire modéré
-
- Diabète type 2 (ou type 1 ≥ 40 ans) depuis < 10 ans sans complication ni autre FRCV
- Risque faible à modéré si SCORE2: < 2,5% (-50 ans) | < 5% (50-69) | < 7,5% (+70)
- LDL cible < 1 g/L.
RAC = ratio albuminurie/créatininurie (mg/g)
Calcul officiel du SCORE2 ou Calcul du SCORE2 par U-Prevent (Calcul du SCORE2-OP par U-Prevent)
L’évaluation chez la personne avec un diabète est différente.
Statine en prévention primaire
Selon la ESC 2021, la cible de LDL est définie selon le SCORE2 (Android, iOS, web) à partir de 40 ans …
en l’absence de maladie cardiovasculaire, de comorbidité (diabète, hypercholestérolémie familiale, maladie rénale chronique) ou de grossesse.
Toutefois la ESC appelle à un LDL inférieur à 1 g/L pour tous à tous les âges.
Selon l’avis indépendant de la USPTF 2022, une statine est recommandée pour si tous les critères suivant sont remplis:
- Adulte de 40 à 75 ans
- Risque cardiovasculaire à 10 ans ≥ 10% (calcul du SCORE2 (Android, iOS, web))
Pour certains patients si risque compris de 7,5 à 9,9%. - Avec ≥ 1 autre facteur de risque cardiovasculaire: dyslipidémie, diabète, hypertension artérielle, tabagisme
La USPTF ajoute qu’il n’y a pas de bénéfice à initier une statine en prévention primaire à partir de 76 ans.
Débuter un traitement par statine:
- Contrôler le bilan lipidique 1-12 semaines après le bilan initial (sauf très haut risque ou syndrome coronarien aigu)
- Bilan pré-thérapeutique: ALAT, CPK
Ne pas démarrer si CPK > 4N (surveiller les CPK) - Contraception efficace (voir Statines, grossesse et allaitement)
- Surveiller
- Le bilan lipidique 4-12 semaines après chaque modification
- Les ALAT 8-12 semaines après chaque augmentation de posologie
- Les CPK en cas de myalgies
- Surveillance annuelle du LDL après atteinte de la cible
Statines et sur-risque de diabète
Les statines entraînent un sur-risque de diabète de 9%, négligeable par rapport à la réduction des complications cardiovasculaires qu’elles engendrent chez la personne vivant avec un diabète.
Statines et myalgies
Les myalgies réellement liées aux statines sont rares.
Surveillance biologique chez l’enfant: ASAT, ALAT et CPK pré-thérapeutiques à renouveler après 1-3 mois de traitement. (Bouhairie et al)
Dans les essais contrôlés, moins de 0,1 % des sujets ont présenté de réelles myopathies (avec élévation des CPK) sous statine. Dans les deux bras (statine et placebo), les myalgies étaient rapportées par 11,5 % des sujets.
Chez des patients ayant arrêté leur traitement pour myalgies (douleurs musculaires), traités en aveugle et assignés dans 3 bras atorvastatine, placebo (aspects similaires) ou … rien, les effets secondaires étaient plus forts dans les bras ayant une prise de comprimé, mais similaires dans les groupes atorvastatine et placebo. La part attribuable des douleurs musculaires à un effet nocebo a été estimée à 90%.
– Wood FA, et al. N-of-1 Trial of a Statin, Placebo, or No Treatment to Assess Side Effects. N Engl J Med. 2020., corroborée par Cholesterol Treatment Trialists’ Collaboration 2022
Pas de différences entre les statines concernant la survenue de myalgies. La survenue de myalgies survenue intervient durant la première année de traitement (sauf statine de haute intensité comme l’atorvastatine et la rosuvastatine).
Statine mal tolérée
« 70-90% des patients qui rapportent une intolérance aux statines peuvent en tolérer une après un nouvel essai » – Marx N et al. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiovascular disease in patients with diabetes. Eur Heart J. 2023.
En cas de complications attribuables à une statine:
- Doser les CPK
- CPK > 10N: suspendre la statine, créatininémie, CPK toutes les 2 semaines
- CPK 4-10N asymptomatique: poursuivre la statine en contrôlant les CPK à 2-6 semaines
- CPK 4-10N symptomatique: suspendre la statine, créatininémie, CPK toutes les 2 semaines puis reprise avec titration douce
- CPK < 4N asymptomatique: poursuivre la statine, recontrôler les CPK
- CPK < 4N symptomatique: poursuivre la statine et surveiller les symptômes et les CPK
Si symptômes persistent: suspendre la statine et ré-évaluer après 6 semaines puis essayer diverses méthodes (voir plus bas)
- Doser les ALAT
- ALAT < 3N: poursuivre la statine, recontrôler les ALAT à 4-6 semaines
- ALAT ≥ 3N: suspendre ou réduire la statine et recontrôle les ALAT à 4-6 semaines
Si normalisation, réintroduction douce.
- Essayer diverses méthodes: poursuite à faible dose puis titration progressive, prise 1 jour/2, substitution par une autre statine, suspension durant 3 mois
Lorsqu’une statine doit être arrêtée pour mauvaise tolérance, envisager la substitution par l’ézétimibe voire l’ajout de cholestyramine et/ou d’un anti-PCSK9 selon le risque cardiovasculaire (ESC 2021)
– ESC et Bouhairie et al
Statines et grossesse
- Selon le CRAT pour atorvastatine, pravastatine, rosuvastatine, simvastatine:
- Prévoir l’arrêt de la statine pendant la grossesse, sinon contacter le CRAT (cas d’hypercholestérolémie familiale ou hypertriglycéridémies sévères)
- Selon ESC CVD 2021 (grade C):
« Le traitement par statines n’est pas recommandé chez les femmes non ménopausées qui envisagent une grossesse ou qui n’utilisent pas une contraception efficace. » - Selon les RCP de la pravastatine:
« La pravastatine est contre-indiquée pendant la grossesse et doit être administrée aux femmes en âge de procréer uniquement si une conception est improbable et si ces patientes ont été informées du risque potentiel. »
Statines et allaitement
- Selon le CRAT pour atorvastatine, rosuvastatine, simvastatine:
Recours à la pravastatine si traitement indispensable (les RCP le réfutent).
Au Danemark, les personnes ayant arrêté leur statine ont eu 26% d’infarctus du myocarde en plus et une surmortalité cardiovasculaire de 18%.