Syndrome des jambes sans repos

Maladie de Willis-Ekbom

AASMSFRMSMis à jour

Résumé des recommandations pour le généraliste

  • Le syndrome des jambes sans repos (SJSR) est une maladie neurologique entraînant un besoin impérieux de bouger les jambes, prédominant chez les femmes et perturbant fortement le sommeil
  • Les critères diagnostiques du syndrome des jambes sans repos sont précis: l’examen neurologique doit être rigoureux ainsi que l’élimination des diagnostics différentiels
  • Mesurer le retentissement du syndrome des jambes sans repos: score IRLS, qualité de vie (sommeil, vie sociale, humeur)
  • La prise en charge du syndrome des jambes sans repos commence par l’obtention d’une ferritinémie supérieure à 75 ng/mL et des conseils d’hygiène de vie
  • Le traitement des jambes sans repos d’intensité légère est possible par opioïde palier 2 à la demande
  • Adresser au spécialiste (médecin du sommeil, neurologue) les formes modérées à très sévères ou en cas de doute diagnostique

Syndrome des jambes sans repos (SJSR ou Maladie de Willis-Ekbom)
Maladie chronique neurologique sensorimotrice entraînant un besoin impérieux de bouger les jambes (voire bras, hanche) selon l’occupation et le moment de la journée. Il atteint préférentiellement les femmes et altère la qualité de vie. Le sous-diagnostic est majeur.
Le traitement est symptomatique et vise à réduire la plainte sans éradiquer les symptômes (épargne thérapeutique).
L’origine de la maladie est mal comprise mais comporte une carence intra-cérébrale en fer (insuffisance de transport par les barrières hémato-encéphalique et neuronale) et des troubles du système dopaminergique.
Forme chronique-persistante
En l’absence de traitement, survenue moyenne des symptômes au moins 2 fois par semaine durant l’année précédente.
Forme intermittente
En l’absence de traitement, survenue moyenne des symptômes < 2 fois par semaine durant l’année précédente
ET au moins 5 épisodes sur la vie entière.

Complications du syndrome des jambes sans repos

  • Troubles du sommeil
  • Altération de la vigilance diurne
  • Anxiété, dépression x 2-10
  • Altération de la qualité de vie
  • Impact socio-économique
  • Enfant: troubles du comportement et irritabilité

Autres définitions

Mouvements périodiques des membres (MPM)
Mouvements involontaires de dorsiflexion des chevilles, orteils, flexion partielle de genou et parfois de hanche.
Ils surviennent en veille calme, avant le sommeil ou pendant le sommeil. Prédominants en début de nuit, ils s’estompent sur la nuit. Ils sont parfois détectés par le conjoint.
La survenue à l’éveil est spécifique, décrite comme des mouvements involontaires des jambes: « Mes jambes sautent/bougent toutes seules ».
30% de la population en a, le seuil diagnostique est spécifié à 15 MPM/h.
Akathisie
Impression subjective d’agitation interne, ou d’impatience, avec un désir intense (voire incoercible) de réaliser certains mouvements (Dr E. Fakra).
Effet indésirable fréquent des neuroleptiques (30% des patients), antidépresseurs ISRS, thymorégulateurs.
Tremblement orthostatique primaire
Mouvement anormal rare, caractérisé par un tremblement postural spécifique rapide, qui touche les membres inférieurs et le tronc en position debout (Orphanet).

Épidémiologie du syndrome des jambes sans repos en France

  • Prévalence chez l’adulte: 8,5%
    Symptômes hebdomadaires 2,5% et quotidiens 1,9%.
  • Prévalence chez l’enfant: 2-4%
    15-35% en trouble du déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH).
  • Sex-ratio: 2/3 de femmes
  • 10% des personnes avec des troubles du sommeil ont un syndrome des jambes sans repos

Abréviations

AASM
American Academy of Sleep Medicine
CST
coefficient de saturation de la transferrine
HDJ
hôpital de jour
ISRS
inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine
ENMG
électroneuromyogramme
IRLS
IRLSSSG rating scale
IRLSSG
International Restless Legs Syndrome Study Group
MPM
mouvements périodiques des membres
PSG
polysomnographie
SAS
syndrome d’apnées du sommeil
SJSR
syndrome des jambes sans repos
TDAH
trouble du déficit de l’attention et hyperactivité

Facteurs de risque du syndrome des jambes sans repos

Facteurs favorisants ou aggravants le SJSR

  • Grossesse
  • Carence martiale
  • Troubles anxio-dépressifs
  • Mode de vie
    Rythme veille-sommeil irrégulier, privation chronique de sommeil.
  • Syndrome d’apnées du sommeil
  • Activité physique inadaptée
  • Consommation excessive de psychostimulants
    Alcool, café, thé.
  • Traitements aggravants
    Antidépresseurs (toute classe), neuroleptiques, lithium, antihistaminiques, oxybate de sodium.

« Il est souhaitable que ce diagnostic soit posé par un neurologue ou un médecin spécialiste du sommeil. » – SFRMS 2019

Critères diagnostiques IRLSSG du syndrome des jambes sans repos

5 critères pour le diagnostic de syndrome des jambes sans repos:

  1. Besoin impérieux de bouger les jambes
    Sensations inconfortables, désagréables ou douloureuses des jambes.
  2. Apparition ou aggravation au repos/inactivité
  3. Amélioration (partielle ou complète) au mouvement (étirement, marche)
    Au moins aussi longtemps que dure cette activité.
  4. Apparition ou aggravation le soir ou la nuit
  5. Exclusion des diagnostics différentiels

Critères IRLSSG 2012. Sensibilité 86% et Spécificité > 90%
Tous les critères doivent être remplis.
Intérêt de laisser le patient décrire ses symptômes, ou l’enfant avec ses mots.

Interrogatoire

  • Antécédents personnels
    Grossesse en cours, neuropathie, carence martiale, insuffisance rénale, troubles anxio-dépressifs.
  • Antécédents familiaux
    SJSR, insuffisance veineuse.
  • Traitements en cours
    Antidépresseurs (tous), neuroleptiques, lithium, anti-histaminiques, oxybate de sodium.
  • Traitements essayés
  • Histoire de la maladie
    • Âge de début
    • Évolution des symptômes dans le temps
    • Femme: survenue au cours d’une grossesse
    • Heures de coucher, de lever, horaire des symptômes
  • Réponse au traitement dopaminergique
    Réponse initiale chez 3/4 des patients.

Symptômes du syndrome des jambes sans repos

Signes et symptômes du syndrome des jambes sans repos à rechercher:

  • Type et sensations
    • Laisser le patient décrire avec ses mots
    • Besoin de bouger les jambes ± sensations désagréables, dysesthésies
    • Qualificatifs: décharges électriques > picotements > brûlures > fourmillements > démangeaisons> énervant, agaçant, insupportable > Très rarement absentes. Douleurs pour la moitié.
  • Localisation précise
    • Partie supérieure des mollets (2/3) > cuisses > mollets partie basse > pieds, membres supérieurs (⅓)
    • Symptômes profonds, bilatéraux (2/3) et symétriques (75%)
    • Schéma topographique pour le suivi
  • Contexte de survenue
    • Immobile, au repos, allongé ou assis
    • Déclenchées ou augmentées au repos forcé (avion, théâtre, dîner, lit hôpital)
  • Facteurs soulageants
    • La conjonction d’une attention accrue et de mouvements soulage les symptômes
      Conducteur au volant, travail sur ordinateur, écriture de texte complexe, bricolage, tricot.
    • Mouvement, frictions, eau froide
    • Obligés de se lever, marcher, étirer les jambes pour amélioration partielle ou totale, temporaire
  • Facteurs aggravants
    Apnées du sommeil, diminution de la concentration (télévision, passager en transport), alcool, café, antihistaminiques, sérotoninergiques, anti-dopaminergiques.
  • Fréquence
  • Horaires de survenue
    • Heures d’apparition et de disparition des symptômes
    • Principalement le soir (pic minuit - 1h), minimum 9-11h du matin
  • Fréquence de survenue
    Nombre d’épisodes hebdomadaires, mensuels (forme chronique persistante ou intermittente si < 2 ép./semaine).

En cas d’interrogatoire difficile, proposer à l’entourage de filmer les épisodes.

Retentissement de la maladie

Évaluer le retentissement:

  • Sommeil (3/4 perturbés avec réduction à 4,5-6h/nuit)
    Difficultés d’endormissement et de maintien du sommeil, mouvements périodiques des membres.
    Corrélation entre sévérité des troubles et sévérité du SJSR.
  • Fatigue
  • Somnolence diurne
    Absente (légère à modérée) malgré le temps de sommeil moindre = caractéristique du SJSR.
  • Qualité de vie
  • Activités quotidiennes
  • Troubles de l’attention, dépression, anxiété
    Principaux marqueurs de l’insomnie.
  • Conséquences sociales, professionnelles/scolaires

Doivent faire reconsidérer le diagnostic:

  • La tolérance de l’immobilité forcée
  • L’inefficacité initiale des agonistes dopaminergiques

Une somnolence sévère doit faire rechercher une autre cause de troubles du sommeil.

Examen clinique

  • Examen rhumatologique, phlébologique et dermatologique
  • Examen neurologique
    Aucun déficit sensitivo-moteur des membres inférieurs (chaud/froid, douleur, filament).
    Signes possibles: sensibilité anormale/augmentée à la piqûre mousse et vibration, hyperalgésie à la piqûre pointue.

  • À l’interrogatoire
    Ressenti, humeur, sommeil, qualité de vie.
  • Agenda des symptômes
    Agenda des symptômes diurne et nocturne sur 14 jours.

Échelle IRLS

Auto-questionnaire essentiel pour le suivi des symptômes du syndrome des jambes sans repos et de l’efficacité thérapeutique.
Une prise en charge spécifique est indiquée d’emblée pour les formes modérée à très sévères (score IRLS ≥ 11).

Tableau. Sévérité du syndrome des jambes sans repos selon l’échelle IRLS
Score Sévérité
≤ 10 Léger
11-20 Modéré
21-30 Sévère
≥ 31 Très sévère

Diagnostics alternatifs à étayer devant une suspicion de syndrome des jambes sans repos:

  • Inconfort positionnel
    Inconfort survenant assis, jambes croisées. Paresthésies systématisées améliorées au mouvement sans recrudescence vespérale.
  • Mouvements inconscients des membres
    Tic ou comportement rythmé de balancement, frappe du pied.
  • Akathisie iatrogène
    Neuroleptiques, envie de bouger, impossibilité de rester assis sans recrudescence vespérale. Syndrome extrapyramidal.
  • Myoclonies d’endormissement
  • Ostéo-articulaire
    Arthrite, blessure de jambe. Articulaires, non modifiées au mouvement/immobilité/soirée.
  • Vasculaire
    • Œdème des membres inférieurs
    • Insuffisance veineuse
      Lourdeur des MI debout, aggravation sur la journée, diminue jambes surélevées. Varices, œdèmes.
    • AOMI
      Claudication, aggravation allongé, FRCV. Pouls, troubles trophiques.
    • Ischémie
    • Acrosyndrome
  • Neurologique
    • Crampes musculaires
      Mollets, cuisses, MS. Améliorées au mouvement, sans aggravation immobile ou le soir.
    • Neuropathie périphérique
      Douleurs, paresthésies sans amélioration au mouvement ni aggravation au repos/soirée, déficitaire, ENMG.
    • Sciatique ou cruralgie
    • Myalgies
    • Myélopathie
      Douleurs neuropathiques systématisées, sans amélioration au mouvement ou aggravation au repos/soirée.
    • Myopathie
    • Tremblement orthostatique
    • Painful legs and moving toes
      Syndrome des jambes douloureuses avec mouvements des orteils. Mouvements involontaires des orteils sans impériosité de bouger les jambes.
  • Fibromyalgie
    Douleurs diffuses musculaires/articulaires sans amélioration au mouvement ou aggravation au repos/soirée. EMG.
  • Enfant
    • Douleurs de croissance
    • TDAH

  • Très fréquent en cas de TDAH
  • Antécédent parental dans 80% des cas
  • Symptômes diurnes à type de troubles attentionnels, hyperactivité ou instabilité motrice

Bilan de la suspicion de syndrome des jambes sans repos

  • NFS
  • Ferritinémie matinale (cible > 75 ng/mL, 50 chez l’enfant), CRP
  • Créatininémie
  • Glycémie à jeun

Polysomnographie

La prise en charge par polysomnographie (PSG) est limitée:

  • Doute diagnostique
  • Doute sur la nécessité de traiter
  • Suspicion de SAS (SJSR traité ou non)
  • Sommeil très perturbé non expliqué par un SJSR
  • Enfant sans langage et jeune < 30 ans si comorbidités
  • Enfant avant l’introduction d’un traitement spécifique
  • Patient traité: SJSR résistant au traitement bien conduit

La prise en charge du syndrome des jambes sans repos associe:

  1. Correction des facteurs aggravants
    Arrêter si possible ou substituer les classes suivantes: antidépresseurs (toute classe), neuroleptiques, lithium, anti-histaminiques, oxybate de sodium.
  2. Association de patients: France Ekbom
  3. Conseils d’hygiène de vie
    Voir chapitre dédié plus bas.
  4. Correction d’une carence martiale Voir chapitre dédié plus bas.
  5. Traitement à la demande
    Indication: SJSR léger avec ferritinémie > 75 ng/mL Voir chapitre dédié plus bas.
  6. Traitement spécifique
    • Réservé au médecin du sommeil
    • Indications: SJS modéré à très sévère (score IRLS ≥ 11) ou impactant la qualité de vie malgré les mesures ci-dessus
  7. Réévaluer anxiété et dépression: questionnaire PHQ-4

Conseils d’hygiène de vie

Recommandations de prise en charge pour tous:

  • Horaires veille-sommeils réguliers
  • Se détendre avant l’endormissement
  • Éviter les écrans avant l’endormissement
  • Maintenir 19°C dans la chambre
  • Pas d’activité physique le soir
  • Éviter alcool, tabac et café
  • Avancer l’heure du coucher pour éviter l’endormissement au maximum des symptômes
  • Conseiller une activité intellectuelle minutieuse (mots-croisés…)
  • Massage énergique, bain chaud ou froid (Prescrire 2019)

Correction d’une anémie et d’une carence martiale

Traitement de première intention du syndrome des jambes sans repos avec une cible de ferritinémie > 75 ng/mL.

  • Supplémentation 3 mois avec contrôle à la fin du traitement
  • Supplémentation intra-veineuse en HDJ en cas d’échec ou de mauvaise tolérance de la supplémentation orale
  • Recherche étiologique en carence non évidente
  • Peut entraîner une amélioration voire la guérison

Supplémentation en fer chez l’enfant

Privilégier une supplémentation orale en surveillant la tolérance digestive du traitement.

Proposition de la SFRMS: Ferrostrane® 1-3 cuillères à café/j.
Voire Fumafer® (cp ou pdr) ou Timoferol®.
Si échec: fer saccharose IV (Venofer®, préféré par Prescrire®) en hôpital de jour.

Traitement médicamenteux à la demande: antalgiques de palier 2

Prise en charge par antalgique palier 2 à la demande des syndromes des jambes sans repos avec ferritinémie supérieure à 75 ng/mL et persistance de symptômes légers (score IRLS ≤ 10).

Prise à la demande ou en période de recrudescence des symptômes. Prendre le médicament antalgique 1 à 2 heures avant l’apparition des symptômes.

Trouver la posologie minimale efficace à base de:

  • Tramadol non associé
    Débuter à 50 mg, augmentation si besoin jusqu’à 100 mg.
  • Codéine
    • Débuter à 30 mg: paracétamol codéiné 500/30 mg
    • Augmentation si besoin jusqu’à 60 mg voire plus de codéine
    • Seule la codéine peut être utilisée pendant la grossesse en accord avec l’obstétricien

Adresser au spécialiste en cas de persistance de symptômes altérant la qualité de vie.

Pour en savoir plus: Traitements médicamenteux spécifiques du SJSR

La prescription de ces traitements symptomatiques nécessite une prise en charge spécialisée. Il s’agit d’une monothérapie en première intention après correction d’une carence martiale pour les formes sévères à très sévères (IRLS ≥ 21). Le suivi est au moins annuel.

  1. Agonistes dopaminergiques
    • L’AASM suggère de ne pas utiliser les agonistes dopaminergiques: pramipexole, rotigotine (Neupro®), ropinirole
    • Non remboursés pour le SJSR
    • Vérifier systématiquement la survenue d’un syndrome de dysrégulation dopaminergique: contrôle des impulsions
  2. Antiépileptiques, dits ligands α2ẟ-1
    Gabapentine et prégabaline (ordonnance sécurisée).
  3. Opiacés: palier 2 ou 3
  4. Dipyridamole (AASM 2024)
  5. Stimulation du nerf fibulaire (AASM 2024)

graph TB
  suspSJSR[Suspicion de SJSR]
  style suspSJSR stroke:#4150f5, stroke-width:1px
    suspSJSR -- Adulte --> criteres("Critères diagnostiques ?

- Besoin impérieux de bouger les jambes
- Apparition repos
- Amélioration mouvement
- Aggravation soir/nuit
- Exclusion d'autres diagnostics") criteres -- Tous évidents --> SJSR[SJS certain] criteres -- Doute diagnostique --> avis3(Avis du médecin
du sommeil) style SJSR stroke:#4150f5, stroke-width:1px SJSR --> RHD("Mesures systématiques

- Information du patient
- Correction des facteurs aggravants
- Adaptation des habitudes de vie") RHD --> ferritine(Ferritinémie ?) ferritine -- "≤ 75 ng/mL" --> correction(Supplémentation en fer
Contrôle à M3) correction --> ferritine ferritine -- "> 75 ng/mL" --> IRLS(Score IRLS et
qualité de vie) IRLS --> leger(SJSR léger
Traitement à la demande
Tramadol 50 ou codéine 30 mg) leger -. Échec .-> avis2 IRLS --> avis2(SJSR modéré à très sévère
Avis du médecin
du sommeil) criteres -- Diagnostic différentiel --> differentiel("- Inconfort positionnel
- Tics
- Iatrogène
- Arthrite, blessure
- Œdème, insuffisance veineuse
- AOMI, acrosyndrome
- Sciatique, myalgie, neuropathie
- Autres") suspSJSR -- Enfant --> avis1(Avis du médecin
du sommeil)
Figure. Prise en charge d'une suspicion de syndrome des jambes sans repos et traitement médicamenteux. Dr JB Fron d'après AASM 2024 et SFRMS.

SJSR: syndrome des jambes sans repos